Le marché des composants informatiques, et plus particulièrement celui de la mémoire vive (RAM), traverse actuellement une période de turbulence sans précédent. Depuis fin 2024 et tout au long de 2025 (et tout particulièrement les dernières semaines), les prix des modules de DRAM (Dynamic Random-Access Memory), qu’ils soient de génération DDR4 ou DDR5, ont connu une envolée spectaculaire, avec des hausses dépassant les 170 % sur un an pour certains types de mémoire.
Cette crise des prix, initialement observée sur le marché professionnel, s’étend désormais de manière agressive au grand public, menaçant l’accessibilité financière des ordinateurs, des consoles de jeu et même des smartphones.
Les causes d’une flambée historique
Plusieurs facteurs convergents expliquent cette augmentation vertigineuse :
L’impact colossal de l’Intelligence Artificielle (IA)
C’est le facteur le plus déterminant. L’essor fulgurant des modèles d’Intelligence Artificielle générative (comme ceux développés par OpenAI ou Microsoft) nécessite des infrastructures de centres de données extrêmement gourmandes en mémoire vive, notamment en puces de haute densité et de grande vitesse.
- Détournement de la production : Les fabricants de puces (Samsung, SK Hynix, Micron) réorientent une part massive de leur capacité de production pour satisfaire la demande insatiable des géants du Cloud (CSP – Cloud Service Providers). La mémoire autrefois destinée aux PC grand public est désormais prioritairement allouée aux serveurs d’IA.
- Pénurie artificielle : Cette demande structurelle crée une situation de quasi-pénurie sur le marché classique, faisant exploser les prix « spot » (au comptant) et incitant les assembleurs et revendeurs à se battre pour les stocks restants.
La transition technologique et la spéculation
- Coût de la DDR5 : La transition vers la technologie DDR5 (plus performante mais plus chère à produire) a également contribué à la hausse des coûts.
- Stockage préventif : Face aux prévisions pessimistes, de nombreux acteurs de l’industrie (fabricants de PC, assembleurs) ont commencé à stocker massivement la mémoire vive disponible pour sécuriser leurs futures productions, aggravant de fait la pénurie et poussant les prix encore plus haut.
Le PDG d’Epic Games, Tim Sweeney, a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme, affirmant que la hausse des prix de la RAM posera un « réel problème » pour l’accessibilité de nombreux produits, des Xbox aux PC.
L’Impact de la Crise de la RAM
L’augmentation des prix de la RAM ne se limite pas à faire gonfler la facture des utilisateurs individuels. Elle a des conséquences profondes et systémiques sur plusieurs piliers de l’économie numérique :
Le Secteur du PC Gaming et des Stations de Travail
Le segment du jeu vidéo et de la création de contenu est particulièrement vulnérable. Les jeux modernes, ainsi que les logiciels de modélisation 3D et de montage vidéo, sont extrêmement exigeants en mémoire vive.
- Réduction des marges ou hausse des prix finaux : Les fabricants d’ordinateurs portables et de bureau pré-assemblés (Dell, HP, Lenovo) doivent soit absorber le coût accru de la RAM, réduisant leurs marges déjà serrées, soit répercuter intégralement la hausse sur le prix de vente final.
- Limitation des configurations : Pour maintenir des prix compétitifs, certains fabricants pourraient être tentés de proposer des configurations de base avec moins de RAM, affectant directement les performances des utilisateurs.
- Frein aux Upgrades : Passer de 16 Go à 32 Go ou 32 Go à 64 Go de DDR5 devient un investissement significatif et dissuasif.
Les Centres de Données (Hyperscalers)
Paradoxalement, les principaux moteurs de la crise (les géants du cloud) sont aussi les victimes de cette rareté, bien qu’ils aient la capacité de payer le prix fort.
- Coût d’exploitation accru : Le coût d’acquisition du matériel des centres de données explose. Même si l’IA est rentable, l’investissement initial pour bâtir les infrastructures nécessaires est monumental.
- Priorité à la HBM : Pour les serveurs d’IA les plus avancés (équipés de GPU), la mémoire utilisée est la HBM (High Bandwidth Memory). La pression sur la DRAM classique est indirecte, mais l’utilisation de capacités de fabrication par les fabricants pour les puces HBM diminue d’autant la capacité à produire des puces de DRAM standard.
- Retards de déploiement : La pénurie pourrait ralentir le déploiement de nouveaux services de cloud computing qui dépendent de la mémoire serveur classique, affectant potentiellement les entreprises clientes.
Il s’agit là d’une liste non exhaustive des impactes que nous pouvons déjà observer mais bien évidement, la liste va s’allonger à mesure que nous avançons dans le temps …
Quelles perspectives pour l’avenir ?
Pour l’heure, aucune accalmie n’est en vue. Les analystes prévoient que le cycle haussier, alimenté par la course à l’IA, pourrait se prolonger tout au long de 2026.
Seul un rééquilibrage majeur du marché pourrait inverser la tendance :
- Augmentation des capacités de production : Les fabricants doivent investir massivement dans de nouvelles usines et lignes de production pour rattraper le retard de l’offre par rapport à la demande.
- Ralentissement de la demande IA : L’éclatement d’une potentielle « bulle IA » ou une saturation temporaire des besoins en centres de données pourraient libérer des stocks.
En attendant, les consommateurs sont contraints de reporter leurs achats ou de composer avec des coûts historiquement élevés, transformant la mémoire vive en un composant de luxe sur le marché grand public.
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